Soudaine-Lavinadière - Prieuré du Saint-Sépulcre
2012
Moyen Age
Patrice CONTE
La nouvelle campagne de fouille réalisée en 2012 sur le site du prieuré de l’ordre du Saint-Sépulcre et l’église de Lavinadière a été organisée autour de deux principaux axes de recherche sur le terrain. Le premier a essentiellement consisté à achever et dans certains cas étendre la fouille des vestiges bâtis des deux grandes phases de constructions du prieuré. La seconde a privilégié la reconnaissance des systèmes fossoyés, pour certains repérés les années précédentes mais encore méconnus dans leur organisation stratigraphique et topographique.
Dans le premier cas ce sont les édifices majeurs de la première occupation médiévale (XIIIe-XIVe s.) qui ont fait l’objet de compléments par la fouille. Le grand logis prioral de cette phase (Bât.3) est totalement étudié et l’on dispose désormais de la confirmation recherchée sur l’emplacement de son pignon disparu à l’ouest. L’opération dans ce secteur a également permis de mettre en évidence une occupation « secondaire », chronologiquement située juste avant l’abandon définitif de l’édifice et son remplacement par le nouveau prieuré. Pour le second bâtiment de cette période (Bât.4), les incertitudes sur son plan et son organisation intérieure, qui prévalaient encore au terme de l’année précédente, sont désormais aussi levées (fig. 1) : pour ce bâtiment également, le repérage de l’emplacement d’un mur pignon, entièrement récupéré, a permis de distinguer en même temps la construction d’une petite annexe édifiée contre celui-ci. Des données sur l’organisation interne du Bât.4 sont aussi apparues : une partition est maintenant évidente entre un tiers de l’espace au nord dévolu aux activités domestiques et de stockage (découverte d’une nouvelle fosse-silo) alors que le reste du bâtiment paraît réservé à une fonction qui malheureusement n’a guère laissé de traces pertinentes susceptibles de permettre une hypothèse indiscutable. Ici, le rappel de certaines découvertes lapidaires effectuées les années précédentes permet toutefois d’évoquer le rôle possible de cette partie de l’édifice comme salle du chapitre du prieuré. Si une telle hypothèse trouvait confirmation, on aurait donc à Lavinadière un cas intéressant de salle capitulaire propre à un prieuré rural et pour le moins éloignée des formes monumentales stéréotypées régulièrement décrites dans le cas d’abbayes ou de prieurés de plus grande importance.
Fig. 1 : Bat 4 : vue zénithale (non redressée) du bâtiment 4 en fin de fouille. Son emprise est délimitée par la ligne de tirets blancs. Au nord : la cellule accolée au mur pignon 79 (récupéré). Au centre, le bâtiment 4 (S.18), on distingue la fosse/ silo Fs.33 et plusieurs des plots en pierre. Surlignés en orange : les murs des bâtiments plus tardifs qui recoupent partiellement les vestiges plus anciens du bâtiment 4. (fonds photo : Alti-Pano, Limoges)
La fouille 2012 a, de manière comparable, enrichi nos connaissances sur l’évolution du « second prieuré », autrement dit sur les édifices de la résidence de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne (Phase III). On aurait pu croire, un instant, que la vaste opération de reconstruction qui marque cette période où l’on a volontairement détruit, enfoui et nivelé les bâtiments de l’état précédent, se serait traduite par l’apparition de nouveaux édifices homogènes et peu sensibles à évolution. La fouille montre le contraire grâce à l’étude du Bâtiment 2 (fig. 2). Ce logis, qui correspond dans sa forme et ses dimensions aux logis aristocratiques « tardifs » de la reconstruction rurale en Limousin (mais aussi en Périgord et Quercy où l’on peut trouver de nombreux points de comparaison) n’est pas exclu des processus d’évolution qui ont pour effets d’engendrer un nombre important de modifications de structure mais aussi d’organisation intérieure des bâtiments. Dans le cas présent, la fouille a mis en évidence de manière inédite sur le site les vestiges d’un premier édifice au plan ramassé et aux murs épais qui s’insérerait chronologiquement entre les constructions du premier prieuré et les corps de logis tardifs structurés autour de la cour. Cette nouvelle donnée est donc en mesure de modifier quelque peu le phasage général proposé jusqu’alors, sans toutefois le remettre en question, mais en le complétant par une phase intermédiaire chronologiquement située à la fin du Moyen-Âge.
Fig. 2 : le bâtiment 2 en cours de fouille. La vue, prise depuis l’ouest montre le centre du bâtiment dans son état final. Au centre de l’image : le mur 8 supportant la cheminée Ch.2 dont la moitié nord du foyer est entièrement fouillée. Ce mur correspond en fait au pignon d’un premier bâtiment (2A) que l’on agrandi vers l’ouest dans un second temps. C’est à ce moment que l’on aménage la grande cheminée. A l’arrière : un mur de refend établi sur une fosse du premier état médiéval. Au premier plan : un silo appartenant à la même phase et à droite le seuil de la porte distribuant la nouvelle pièce occidentale. (mire de 1 m.)
Parmi les autres données portant sur l’organisation de « l’espace bâti » des différents états du prieuré, on doit mentionner l’achèvement de la fouille du puits situé dans la cour. La possibilité de mener à terme, cette année, son dégagement a donné l’opportunité d’élargir notablement le corpus des mobiliers archéologiques disponibles par la découverte et le prélèvement de nombreux objets d’origine organique conservés grâce à leur position en milieu immergé. Le corpus des objets offre ici une occasion inespérée d’aborder de nouveaux aspects de la vie quotidienne de la petite communauté ayant vécu au sein du prieuré et d’étudier un ensemble d’objets rarement découverts pour les périodes médiévale et moderne en Limousin.
Pour l’heure, l’inventaire et le catalogue en cours de ce mobilier livrent une grande variété d’objets : vestiges d’un seau de bois (fig. 3) équipé de pièces de fer et de son anse, planches dont certaines ouvragées, plaques de bois qui sont vraisemblablement des éléments de couverture (bardeaux), enfin cuirs appartenant à des chaussures (fig. 4) et fragments textiles non encore déterminés. On mentionnera également la découverte de deux pièces céramiques (cruches tardives des XVIe-XVIIe s.) et plusieurs éléments lapidaires parmi lesquels deux éléments de la margelle du puits et un nouveau cas de pierre décorée d’une profusion de gravures, parmi lesquelles figure, une nouvelle fois, la croix à double traverse, insigne de l’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
Fig. 3 : l’une des douelles du seau découvert au fond du puits S. 7 (face interne, mire de 10cm)
Parallèlement, la fouille du cimetière a également été poursuivie ; ce sont désormais cinquante-cinq tombes qui ont été découvertes dont vingt-huit ont été intégralement fouillées. En fonction de leur orientation ou de leur architecture, on peut ici déterminer cinq grandes catégories d’inhumations. Les cas de recoupement permettent en outre d’établir une chronologie relative de la plupart des sépultures, en revanche, l’absence de tout mobilier archéologique datant empêche encore de préciser la durée et les éventuelles phases chronologiques présentes. Le recours à une série de mesures physiques (14C) s’imposera en 2013 pour tenter de pallier ce manque d’indices.
Fig. 4 : élément de chaussure en cuir (talon) (mire de 5 cm)
Le second grand axe de recherche de la fouille de 2012 a porté sur la question des structures fossoyées associées au prieuré, thème qui a été considérablement approfondi au cours de l’opération de cette année.
A l’ouest du site, l’hypothèse d’un système de fossés se trouve ainsi largement confirmée. En fait, la présence d’une structure fossoyée dans cette partie du site avait été avancée dès la campagne de sondages de 2000 lors de la découverte d’un creusement mais qui n’avait pu être alors précisément identifié. Les nouveaux sondages de 2012 livrent un ensemble de deux creusements, a priori parallèles, et bordant le site sur son flanc occidental. La courbure des tracés suggère que les deux fossés 26 et 28 s’incurvent vers le nord et pourraient être associés aux deux fossés repérés dans le secteur 42. On remarque par ailleurs que l’organisation sous forme d’un fossé intérieur large et d’un fossé extérieur plus étroit se retrouve, du moins en partie, au nord, mais aussi à l’est du site. Les données stratigraphiques et mobilières restent insuffisantes pour établir une chronologie sûre des phases de creusement puis d’utilisation des structures identifiées. Tout au plus peut-on signaler que le fossé le plus large fossé ne semble comblé que vers la fin d’occupation du site, il devait être encore visible et fonctionnel lors de la phase III. Bien que non étayée, l’idée que le petit fossé extérieur soit antérieur est avancée mais reste à discuter vu, pour l’instant, le manque de données disponibles.
Au nord, le sondage 42 a livré un nouvel ensemble de deux fossés (fig. 5). Si l’un des deux (Fs.35) n’a été qu’entrevu lors de la présente opération, l’autre (Fs.34) présente une morphologie proche du petit fossé externe Fs.28. Contrairement aux structures mises au jour à l’ouest, Fs.34 présente des éléments de chronologie qui tendraient à associer ce fossé à la phase médiévale II comme le suggère le mobilier de son comblement et la reprise d’occupation établie sur ce dernier. On remarque enfin qu’un mur, établi juste à l’aplomb de la rupture de pente, complète le dispositif. En revanche si les découvertes du S.42 confirment bien la présence de systèmes fossoyés en rebord du plateau, dans un contexte où ils ne paraissent pas indispensables, la concordance n’est pas établie avec les découvertes effectuées antérieurement dans le secteur 30, une dizaine de mètres plus à l’est où un seul fossé avait été perçu à l’époque.
Fig. 5 : plan des différents systèmes de fossés identifiés et hypothèses d’emprise
La partie orientale du site a également fourni de nouvelles données concernant les autres réseaux de fossés. Le large fossé Fs.1 1, créé lors de la phase III, était perçu jusqu’ici comme un creusement linéaire barrant l’espace immédiatement à l’est des nouveaux corps de logis 1 et 2. La fouille de 2012 n’a pas permis d’en dégager l’extrémité sud, située dans une zone où la fouille ne pouvait techniquement intervenir. Toutefois, les travaux de cette année confirment d’une part son prolongement vers le sud mais d’autre part montrent également que s’opèrent un changement d’orientation et une incurvation de son tracé vers le sud, contournant ainsi le chevet de l’église en coupant une partie du cimetière.
Enfin, à l’est de ce dispositif, l’extension de la fouille a permis de mieux circonscrire le tracé du réseau fossoyé le plus oriental constitué d’un fossé « majeur » (Fs. 18) et, ici également, d’un second et plus petit creusement parallèle au précédent (Fs.29) et se développant sur l’extérieur. Malgré ces incertitudes qui existent encore sur les tracés des fossés hors des zones fouillées, l’apport du terrain est important, entre autres en montrant que ces deux derniers fossés paraissent aussi s’orienter vers le sud-ouest évoquant ainsi une emprise continue des réseaux de fossés autour du site prioral et son église.
Ainsi se dessine petit à petit une véritable structuration de l’espace du prieuré par la présence de nombreux fossés. Leur vocation défensive reste à notre sens faible (fossés ni larges ni profonds), même si leur fréquent doublement pourrait participer d’un renfort de fortification. Leur emplacement n’est pas le moindre des aspects atypiques des fossés de Lavinadière : creusés au plus près des bâtiments ils n’ignorent pas les parties où leur présence paraît inutile : à l’ouest, la nette rupture de pente qui affecte la parcelle sur plus de 3 m de haut n’a pas dissuadé leur creusement, pas plus qu’au nord où le début du versant est encore plus proche et abrupt. Leur fonction, qui pourrait paraître inutilement défensive, est certainement polyvalente, probablement juridique elle est également symbolique et matérialise la clôture de l’espace sacré associé au prieuré et son église. Les fossés mis au jour représenteraient ainsi la matérialisation du claustrum de l’enclos canonial connu en d’autres lieux mais rarement fouillé sur une telle emprise.
Une ultime campagne de fouille programmée en 2013 devrait permettre de compléter l’ensemble des données de terrain avant préparation d’une publication monographique.
Saint-Robert
2012
Prospection diachronique
Julie Duponchel
Jusqu’à ce jour, la commune de Saint-Robert avait peu suscité l’intérêt des chercheurs, hormis l’étude d’E. Proust sur l’église romane et une monographique assez ancienne de V. Forot (parue dans le BSSHAC entre 1921 et 1923).
La prospection réalisée en 2012 a principalement porté sur le bourg de Saint-Robert en raison de son architecture civile. Au total, une quarantaine d’édifices présentant des vestiges médiévaux ont été recensés. Certains d’entre eux avaient déjà été repérés par P. Garrigou-Grandchamp lors du Congrès Archéologique de 2005. Près de la moitié d’entre eux ont fait l’objet d’une notice plus détaillée dans le cadre de cette prospection.
Conjointement à la prospection, une étude documentaire a été menée, notamment aux Archives départementales de la Corrèze, et a permis de retrouver plusieurs sites aujourd’hui disparus : la halle, un moulin à vent aux « Carteresses » et un moulin à eau aux « Bories ». Les sources anciennes ont également étoffé la documentation disponible sur d’autres sites déjà connus par le service de l’Archéologie : église et prieuré Notre-Dame, commanderie hospitalière de Saint-Maurice (fig. 1).
Fig. 1 : vestige de l’ancienne commanderie Saint-Maurice.
Enfin, cet inventaire aura permis de mieux comprendre l’évolution du bourg, à partir du prieuré fondé autour de 1079-1080 par les moines de la Chaise-Dieu. Il se développe dans un premier tempsau nord et à l’est de l’église, le long des routes d’Ayen et de Segonzac. Le départ des moines au XIVe s. ne semble pas avoir d’impact sur le bourg qui continue de se développer (la plupart des vestiges médiévaux recensés sont datables des XIIIe-XIVe s.) vers l’ouest. La présence seigneuriale semble importante à cette époque. Elle n’était sans doute pas nulle auparavant mais elle est difficilement perceptible du fait du manque de vestiges et de l’absence de sources écrites. Les XVIIIe et XIXe s semblent être un moment d’essor pour le bourg, avec l’installation d’une cour d’appeaux, puis le commerce du vin, principale économie de la région depuis le Moyen Âge.
Saint-Jean-Ligoure - Châlucet, La Boussonie
2012
Protohistoire
Patrice Wuscher
Le projet d’extension du parking du château de Châlucet, édifice classé monument historique, a motivé la réalisation d’un diagnostic archéologique de 4 770 m2. L’emprise est située en fond de vallée, au niveau de la confluence entre la Briance et un petit vallon très pentu, dont la partie centrale est occupée par une zone humide. Elle se trouve à près de 300 m des vestiges médiévaux et à environ 200 m du site Bronze final IIIb et premier âge du Fer. L’accès de ce dernier à la rivière pouvait passer à travers le vallon investi par le diagnostic.
Les sondages ont permis de mettre en évidence une stratigraphie de plus de 3 m d’épaisseur. Le mètre inférieur est constitué de dépôts de pente limono-sableux, légèrement caillouteux, attribués au Pléistocène. Ces dépôts sont recoupés par un réseau de polygones (cellule de 0,5 à 1 m de large) bien exprimé, vraisemblablement liés à une phase de développement du pergélisol, sans doute durant le dernier cycle glaciaire. Ils sont coiffés par deux horizons humifères, attribuables à la première partie de l’Holocène, ce qui est assez rare en Bas-Limousin. Un niveau archéologique a été mis en évidence sur cet ensemble et est attribué, malgré le faible nombre de fossiles directeurs, au second âge du Fer. Enfin, 1 m de colluvions sablo-limoneuses fossilisent l’ensemble. Dans l’axe même du vallon, la séquence est plus massive et marquée par un engorgement permanent en eau (sédiments gleyifiés). A sa base, vers 3 m de profondeur, ont été mis en évidence plusieurs fragments de bois coupés et travaillés.
Le niveau archéologique découvert au sommet des deux horizons humifères et attribué avec réserve au second âge du Fer est composé de pierres, de tuiles, de scories et de quelques fragments de céramiques. Les pierres sont aménagées selon deux alignements, interprétées comme des solins ou des bases de murs très arasés. À une trentaine de mètres en amont, un fossé très arasé, dont une partie du tracé a été gommée par l’érosion, pourrait faire partie de cet ensemble. Les scories recueillies témoignent de la proximité d’une forge d’un certain standing (forge d’épuration ?).
Si cette opération ne révolutionne pas les connaissances régionales sur la Protohistoire, elle a permis de mettre en évidence un type d’occupation jusqu’à présent peu reconnu en Limousin. Surtout, ces vestiges sont compris dans une séquence stratigraphique dilatée, qui enrichit le corpus des archives environnementales pléistocènes et début holocène du Bas-Limousin. Ce type de stratigraphie, sans doute présent dans d’autres vallons du secteur, offre par ailleurs d’excellentes conditions de conservation des vestiges archéologiques (bois, sols d’occupation...).