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SOUTERRAINS, SILOS ET HABITAT MÉDIÉVAL, ÉTAT DE LA QUESTION ARCHÉOLOGIQUE EN LIMOUSIN ET PÉRIGORD

Patrice CONTE

Découverts par centaines, les souterrains, parfois dénommés localement « cluseaux »1, ont le privilège de représenter aujourd'hui encore une catégorie de monuments dont l'origine et la fonction restent très largement in certaines. Véritable aubaine pour l'érudition archéologique régionale, la question des souterrains a fait naître au gré des centaines de pages écrites à son sujet plus de polémiques et de prises de position dogmatiques que de données explicatives indiscutables.

Quel pouvait être le rôle de ces réseaux, parfois labyrinthiques d'étroites galeries reliant des salles souterraines exiguës portant les traces d'aménagements creusés dans le rocher : niches, alvéoles, rainures, conduits verticaux forés dans les voûtes et les parois... ou mystérieux murages effondrés sur des comblements de provenance inconnue ? Pourquoi, donc, mais aussi quand ? Cette double question a formé l'essentiel de l'interrogation sur l'origine des cavités aménagées par l'homme et des fosses qui parfois les accompagnent, depuis le XIXe siècle jusqu'à une date très récente.

Nous nous proposons de rajouter ici quelques lignes supplémentaires sur le sujet, plus pour témoigner de l'apport d'études récentes menées dans la partie septentrionale de l'Occitanie et des nouvelles perspectives de recherche qu'elles engendrent que pour alimenter les habituelles controverses sur le problème des souterrains et des fosses2.

Les souterrains apparaissent, depuis que l'intérêt des chercheurs du XIXe siècle s'est porté sur eux, comme des monuments a priori déroutants leur situation ne semble obéir à aucune règle précise : apparemment isolésà l'orée d'un bois, au milieu d'un labour, ou, au contraire sous un hameau, une église ou près d'un château ces édifices ne se prêtent pas facilement à une première analyse que l'on effectuerait à partir de leur seul lieu de découverte.

Leur architecture interne, reposant presque exclusivement sur des volumes réalisés, non pas par accumulation de matériaux mais par enlèvement, creusement, représente une deuxième caractéristique, d'autant plus surpre nante pour les précurseurs de l'archéologie des souterrains que leurs propres modèles de référence s'élaboraient presque uniquement à partir de l'étude de l'architecture antique ou, plus récemment sur les premiers travaux d'archéologie préhistorique.

On ne sera donc pas étonné de voir abordé le problème des ouvrages souterrains en termes « d'archaïsmes », ce qui implicitement contribuait à situer chronologiquement le phénomène dans la « haute-antiquité ». Quand ce n'était pas tout simplement dans la préhistoire la plus lointaine (Fig. 1).

Recueillis dans les fouilles souvent très sommaires les rares témoins matériels dont la connaissance était par ailleurs bien incertaine ne pouvaient être d'un grand secours pour régler la double question de la datation et de la fonction originelle des cavités, sinon au contraire pour conforter les idées préconçues de bon nombre d'auteurs. Soulignons, enfin, et ce n'est pas sans importance, que la configuration souterraine de ces structures ne fut pas sans influence sur l'imagination, et par voie de conséquence sur les interprétations proposées par les chercheurs du XIXe siècle mais aussi du nôtre.

« Celtomanie » et romantisme aidant, les souterrains furent le plus souvent associés, vers la fin du siècle précédent, à des édifices d'origine celte ou gauloise. Le mutisme des données archéologiques de terrain favorisa la recherche d'éléments explicatifs que l'on jugea plus pertinents : on sollicita dans cette perspective plusieurs textes de l'Antiquité3 croyant y découvrir les réponses tant attendues sur l'origine des souterrains.

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Des traductions quelque peu approximatives, le recours à des analogies abusives entre les monuments observables et les structures décrites dans ces textes permirent de confirmer les postulats avancés par ailleurs.

Le caractère ambigu des informations contenues dans ces sources permettant, non sans paradoxe, de justifier chez certains auteurs une origine préhistorique, chez d'autres gauloise, enfin chez quelques autres l'époque des grandes invasions qui marquèrent la fin de la période gallo-romaine.

La question de la destination de ces cavités se trouva elle aussi résolue, au moins en partie, par l'utilisation de ces mêmes textes : dissimulés au plus profond des campagnes où sous les villages, les souterrains ne pouvaient être que des lieux de refuge pour des populations persécutées en périodes troublées. Cette notion de refuge recouvrant, suivant les auteurs, des sens différents : simple cache à nourriture ou refuge pour les hommes et leurs biens pour certains enfin véritables forteresses enterrées pour d'autres.

Les débats s'organisèrent autour de ces différences d'appréciation dans le cadre d'articles à caractère essentiellement monographique sans que s'impose une explication globale et indiscutée de l'origine des édifices souterrains. Quelques chercheurs s'attacheront cependant à produire des inventaires qui restent encore aujourd'hui des bases de travail appréciables.

En 1923, Adrien Blanchet donnera une vue d'ensemble du problème des cavités dans un ouvrage unique par son caractère synthétique à l'échelle du territoire français : rassemblant la documentation extrêmement dispersée qui existait sur le sujet il généralisera l'emploi du concept de « souterrain-refuge », quant à l'aspect chronologique du problème tout en précisant que certaines cavités ont été occupées et même creusées à diverses époques, il assignera une origine pré-romaine à la plupart des ouvrages connus (Blanchet, 1923).

La parution de cet ouvrage eut comme principal effet d'orienter, pour quelques décennies supplémentaires, l'étude des souterrains autour de ces conceptions, sans grande modification théorique jusque vers les années 1960 où apparaîtront les prémices d'une nouvelle théorie explicative reposant sur l'idée d'une utilisation des souterrains à fin cultuelle ou funéraire. On doit à Maurice Broëns, ancien élève d'Adrien Blanchet, cette rupture radicale avec la thèse hégémonique du « souterrain-refuge ». Nombreux seront les chercheurs, en Limousin en particulier, qui suivront désormais cette interprétation. L'aspect positif d'une telle remise en question a été, sans nul doute, l'augmentation significative de publications proposant, entre autre, une documentation graphique sur des sites dont la destruction est souvent rapide et irrémédiable.

Toutefois, la nécessité d'une critique et d'une alternative à la thèse du refuge eut surtout comme conséquence majeure de remplacer les anciens postulats par d'autres qui présentaient la séduction de la nouveauté et l'avantage de fournir toutes les réponses tant attendues mais dont la pertinence n'a jamais été vraiment évaluée par leurs auteurs.

Evoquons brièvement les lignes directrices de cette nouvelle approche le principe initial sur lequel repose cette théorie est la conviction de la permanence d'un culte chthonien d'origine préhistorique associé à la Déesse Terre, culte qui aurait perduré pendant tout le Moyen Age et se caractériserait matériellement par des offrandes au défunt. Au IVe siècle l'Eglise Chrétienne imposant l'inhumation en terre, puis au VIIIe siècle interdisant les dépôts accompagnant les sépultures, on aurait alors procédé au creusement des souterrains, sortes de cénotaphes sensés recueillir l'âme des morts.

Une telle explication permettant d'assigner au Haut Moyen Age le creusement d'un certain nombre de cavités, pour les autres, leur origine se situerait au XIe-XIIe siècle et leur fonction serait directement liée au développement des hérésies médiévales, les cavités devenant dans ce cas là lieux de cultes secrets (Broëns, 1976).

Malgré l'indigence des sources textuelles pouvant autoriser de telles interprétations4 et l'absence de données objectives attestant une relation entre les souterrains et des pratiques rituelles ou cultuelles, le succès de ces thèses fut très large.

Quelques recherches de terrain, engagées dans cette optique contribuèrent au développement de ce type d'interprétation : les vestiges matériels étant régulièrement interprétés en terme de dépôt votif, les fosses, parfois reconnues près des accès des souterrains devenant irrémédiablement fosses à offrandes ou lieux d'incinération.

Si l'idée d'éventuelles utilisations des cavités à des fins symboliques présente, a priori, un intérêt objectif, les démarches suivies par les tenants de l'optique « cultuelle-funéraire » se singularisent surtout par leur totale subjectivité : sources textuelles sollicitées sans analyse critique, démarches de terrain plus attachées à confirmer les postulats qu'à une méthodologie rigoureuse produisirent des prises de positions tout aussi systématiques que celles proposées jusqu'ici par les adeptes de la théorie du « refuge ».

Le champ de la recherche que pouvait représenter l'étude des souterrains devait donc rester, quelque temps encore, le domaine des certitudes et des exclusives.

Il s'imposait donc, sous peine de reproduire les mêmes impasses interprétatives, de ré-orienter l'enquête sur des bases différentes. Délaissant les approches généralisantes de leurs prédécesseurs plusieurs chercheurs en gagèrent à partir de 1970 des études menées à l'échelle régionale ou microrégionale et des fouilles de sites reposant sur des méthodes acquises pour les sites de la période médiévale et héritées en grande part des méthodes de l'archéologie préhistorique. C'est de l'apport de ces démarches pour les régions du Limousin et du Périgord dont il sera maintenant question5.

L'un des apports des recherches reposant sur la fouille et la prospection des cavités est la connaissance des modes d'élaboration des souterrains : à première vue la diversité infinie des plans témoigne d'une absence apparente d'homogénéité des systèmes de creusement et engage à voir autant de solutions de creusement qu'il y a de cavités. La réalité semble quelque peu différente : si dans le détail l'emplacement et le nombre des principaux éléments constitutifs des cavités - salles, galeries, passages reliant les structures entre elles - peuvent varier et traduire des différences locales ou chronologiques qui restent à déterminer précisément, la présence et la forme des structures de base est régulièrement attestée de site en site.

Les variations rencontrées peuvent, pour la plupart, s'expliquer par les contextes géologiques locaux : tracés plus réguliers dans le Périgord à substrat sédimentaire, plus irréguliers dans les zones à substrat cristallin ou métamorphique du Nord du Périgord ou du Limousin. Par ailleurs, la présence d'importantes quantités de remblais masquant les topographies réelles des éléments souterrains altère l'analyse architecturale qui serait effectuée à partir des seuls plans de cavités non fouillées et rend, par conséquent très aléatoire tout essai de typologie reposant sur la seule lecture de plans incomplets.

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Planche 1 : Plans des souterrains de Montbrun (Dournazac, Haute-Vienne), La Martinie (Champagnac-La-Rivière, Haute-Vienne), Saint-Jory de Chalais (Dordogne). Ces quatre exemples représentent un échantillon des monuments souterrains entre Limousin et Périgord. Le plan le plus simple est celui de Montbrun formé par une galerie (A), une salle (C) et un renfoncement annexe (D, E). Les plans plus complexes s'organisent autour du même type d'organisation, seuls le nombre et la disposition des éléments varient d'un site à l'autre.

 

Le creusement du site de Montbrun s'est effectué à partir de deux accès : un puits de creusement vertical (11) et une tranchée en pente (A). Le plan du souterrain de La Martinie représente un ensemble complexe de salles reliées par des galeries. L'unité de base est vraisemblablement l'ensemble G.E.F. (puits de creusement en F). L'unité A, dont le creusement a pu être effectué par D (depuis E) et par un puits (13) paraît inachevée : conduit pariétal cylindrique C et galerie B : En (L) : fosse en surface.

On retrouve des modes d'organisation similaires pour les cavités 1 et 2 de St Jory de Chalais. Le cluseau n° 2 présente toutefois un type de structure assez rare : puits de creusement (G) possédant trois issues de creusement latérales.

Les deux cavités de St Jory sont distantes de quelques mètres malgré la destruction d'une partie de leurs structures (A) aucune liaison entre les deux cavités n'a été repérée. Elles forment deux unités distinctes, mais la direction de la galerie H de la 2e cavité suggère qu'une connexion souterraine a pu être envisagée mais non réalisée. On notera également qu'aucune relation n'est établie entre ces souterrains et la proche église paroissiale.

Une seule différence architecturale paraît se dégager nettement : c'est la présence de systèmes dont l'élément principal est formé par une galerie annulaire, configuration fréquente en Montagne Limousine (Corrèze), dans la région de la Marche, que l'on retrouve aussi dans le département de l'Allier.

Aucune explication probante de ce type d'organisation n'a été donnée jusque là (Fig. 10).

Si l'on aborde les techniques mises en oeuvre pour la création des réseaux souterrains les données acquises par les fouilles révèlent, dans de nombreux cas, l'utilisation d'un même système de creusement associant un accès en tranchée et un ou plusieurs accès en puits. Le mode d'élaboration peut se décrire ainsi : dans un premier temps des puits d'une profondeur variant de 2 à 3 m sont excavés, leur section est généralement quadrangulaire d'une surface d'environ 1 m2 mais dans quelques cas des puits cylindriques sont également attestés. Une fois achevé plusieurs encoches destinées à faciliter l'accès en cours de creusement sont aménagées dans les parois du puits. Dans un deuxième temps s'effectue le creusement latéral d'un étroit passage, parfois en léger contrebas par rapport au fond du puits, puis l'excavation d'une unité souterraine : salle, plus rarement galerie. Parallèlement à ce mode d'élaboration un autre accès est aménagé à partir d'une tranchée en surface s'enfonçant peu à peu en devenant une galerie souterraine; plusieurs aménagements annexes équipent ce type d'accès marches creusées dans le sol, fosses destinées à des montants de bois et alvéoles pariétales déterminent l'emplacement de fermetures (Fig. 2 à 4).

 

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Figure 2: Puits de creusement du souterrain de Chadalais (Haute-Vienne), photo gauche partie supérieure du puits comblé, le conduit d'aération « réservé » apparaît dans l'angle droit du puits, photo droite : détail de l'appareillage de « pierres-sèches » du conduit (Mire de 0,5 m; photo P. Conte).

 

L'analyse stratigraphique des comblements des structures principales permet de préciser la chronologie des phases de creusement, elle explique en particulier la présence des murages internes que l'on rencontre fréquemment dans les souterrains du Limousin et du Périgord : après forage des unités souterraines seul l'accès de creusement en tranchée sera conservé et constituera l'accès permanent à la cavité au cours de l'occupation, les puits verticaux, en revanche, seront condamnés après réalisation du réseau souterrain, ils représentent des accès temporaires de creusement. Si leur réalisation paraît obéir à certains stéréotypes (forme, profondeur) il semble en être de même pour leur obturation : un muret de pierres-sèches ou plus rarement un dispositif de deux ou trois dalles de pierres verticales est aménagé à la base du puits avant son comblement depuis la surface. Divers matériaux peuvent être utilisés à cette fin : sédiments prélevés autour de l'accès mais le plus souvent c'est une partie du produit du creusement de la cavité qui est employé comme remplissage.

 

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Figure 3 : Coupe longitudinale d'une unité « puits de creusement-salle » (Beaulieu, HauteVienne), le puits K est équipé de 3 alvéoles pariétales facilitant l'accès à la cavité (28, 29, 30). Le murage 27 est réalisé après le creusement de l'ensemble K-J, lors de l'obturation du puits deux conduits verticaux (31 et 34) sont ménagés au fur et à mesure du comblement du puits. (Le remplissage archéologique de la salle J n'est pas représenté sur la coupe).

 

La conception des conduits verticaux destinés, on le suppose, à l'aération des cavités présente elle aussi des caractéristiques régulièrement attestées. Deux types de conduits équipent les souterrains : le premier comprend des conduits cylindriques de 10 à 15 cm de diamètre forés dans les voûtes des salles ou des galeries, soit dès le creusement de ces structures, soit en cours d'occupation en fonction des besoins. Le deuxième type correspond à un dispositif mixte, à la fois creusé et construit, intégré à l'architecture des puits verticaux dès la fin de la phase de creusement : une rainure d'une profondeur et d'une largeur proches d'une dizaine de centimètres est pratiquée le long de la paroi du puits ; elle sera protégée par un appareillage de pierres-sèches monté au cours du comblement définitif du puits. Cette technique de construction traduit une préméditation de l'organisation des volumes souterrains et de leur équipement.

 

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Figure 4 : Reconstitution du creusement d'un souterrain à partir de deux accès : A : accès en puits vertical condamné à la fin du creusement. B : en pente associé à une galerie, devenant accès permanent (dessin : J. C1. Grany, Archéa).

 

Ces quelques exemples démontrent l'apport essentiel d'analyses effectuées à partir de la fouille des accès de creusement des cavités. Ils témoignent d'une permanence des modes opératoires qui participent au creusement de la plupart des édifices souterrains. Si la standardisation reste inconnue en milieu souterrain il n'en reste pas moins que se dessinent peu à peu des constats de régularité dans les procédures d'élaboration, indices probables de « savoirs faire » dont la diffusion et l'origine restent à étudier.

Si les modes de creusement commencent juste à nous être connus dans leurs grandes lignes, le détail des opérations demande à être précisé; c'est le cas, par exemple, de l'outillage employé. A notre connaissance aucun outil n'a jusqu'ici été découvert en fouille, seules les traces d'impact que l'on peut observer sur certaines parois sont les uniques témoins du travail de finition architecturale réalisé à l'aide d'outils à percussion lancée. Une analyse de ces marques est actuellement en cours (Fig. 6), elle montre l'emploi de deux types d'instruments : des outils à pointe effilée laissant des marques de 5 à 10 cm de long et d'un centimètre de large et des outils possédant un tranchant horizontal de 3 à 5 cm de large. Dans ce dernier cas les impacts conservés sur les parois sont souvent plus courts (2 à 5 cm). Précisons qu'un même instrument possédant les deux types de percussion a pu être utilisé dans certains cas. L'examen de plusieurs conduits verticaux cylindriques inachevés révèle des traces d'incisions courbes évoquant l'emploi de sortes de trépans constitués par trois courtes tiges métalliques.

 

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Figure 6 : Saint-Jury de Chalais (Dordogne), (cluseau 1) : traces de finition du creusement sur la paroi d'une salle (paroi sud de la salle G, voir plan). Traces de 5 à 10 cm de long laissées par un outil à pointe effilée (photo P. Conte).

 

 

Les souterrains : des lieux inoccupés ?

Une tradition bien établie veut que l'exiguïté des structures souterraines soit un facteur suffisant pour réfuter une occupation humaine durable dans les cavités. Les données apportées par les fouilles engagent à modérer le propos, bien que leur interprétation reste délicate, faute d'une documentation de référence suffisamment étoffée, elles livrent cependant quelques séries de traces matérielles, souvent ténues et peu glorieuses mais qui revêtent un grand intérêt dans la recherche essentielle de la fonction des souterrains.

Les décapages révèlent, dans plusieurs cas, la présence de sols indurés qu'il convient d'interpréter en terme de sols d'occupation liés à la circulation ou au stationnement dans la cavité. Sur le site du Bois-du-Mont (Lady, 1989-a) quatre occupations médiévales ont pu être individualisées, la première suit logiquement la phase du creusement et semble destinée à préparer les suivantes qui utiliseront de manière sensiblement différentes les volumes souterrains. L'étude conjointe des événements stratigraphiques et de la répartition des vestiges mobiliers permet de distinguer pour chaque phase des zones dévolues à la circulation, d'autres au stationnement, d'autres enfin peuvent être interprétées comme des espaces d'accumulation, de rejet ou d'entrepôt (Fig. 7).

Si le cas du souterrain du Bois-du-Mont demeure exceptionnel par le nombre des occupations qu'il a connu, d'autres sites présentent avec certes des densités moindres, des organisations des séjours du même type. A Beau lieu, en limite du Limousin et du Périgord, des couches comparables ont pu être mises en évidence pour deux périodes : l'une médiévale, en concordance avec les structures archéologiques, se développant d'une part dans la galerie principale sous la forme d'un sol de circulation chronologiquement contemporain des systèmes de fermeture qui équipent l'accès à la cavité, et d'autre part dans une petite salle hémisphérique située près de l'accès permanent du souterrain; l'autre plus récente, médiévale ou du début de l'époque moderne découverte uniquement dans la galerie d'accès. Ce dernier niveau d'occupation ne marque plus qu'une utilisation sporadique de la cavité : il fossilise une couche de dépotoir médiéval témoin de l'abandon de la fonction initiale du souterrain (Conte et Gauthier, 1985). L'étude de l'extension des couches associées à la phase la plus ancienne du cluseau de Beaulieu montre paradoxalement que ce ne sont pas les structures les plus aptes à accueillir un séjour humain, salles de plus grandes dimensions, qui ont été préférentiellement utilisées. Ce constat effectué aussi dans le cas du site du Bois-du-Mont, où l'hypothèse d'une évolution à des fins de stockage est envisagée pour les salles les plus vastes, a pu être également effectué à Chadalais, site distant d'une vingtaine de kilomètres de Beaulieu (Conte, 1990; Conte et al. 1991). Sur ce site des traces d'occupation sont attestées dans la galerie principale qui dessert l'ensemble du réseau, dans les deux premières petites salles -l'une d'elles étant d'ailleurs trois banquettes aménagées dans le rocher - puis dans la salle située dans le prolongement de la galerie (Fig. 8). Cette phase d'occupation peut être subdivisée en plusieurs séquences, toutefois des perturbations stratigraphiques provoquées par l'effondrement partiel d'une voûte au cours de l'occupation de la cavité rendent délicates l'étude de l'extension horizontale des dépôts et leur attribution à telle ou telle séquence. En revanche l'ultime séjour matériellement attesté dans le souterrain de Chadalais est marqué par un foyer rudimentaire constitué d'une sole en pierre aménagée dans un angle de la galerie principale, de rejets cendreux et de fragments de vases culinaires. L'hypothèse d'une utilisation marginale de la cavité n'est pas à rejeter, la datation de cette phase, située au XVe voire au XVIe siècle, tendrait à le confirmer, elle témoigne cependant de la possibilité de fonctionnement d'un type d'aménagement qui peut être directement associé à un séjour humain même d'ampleur limitée à l'intérieur du souterrain.

 

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Figure 7 : Organisation des espaces et des aires au cours des quatre périodes d'occupation du souterrain de Bois-du-Mont (Haute-Vienne). L'évolution de cette organisation traduit la modification de l'utilisation des volumes souterrains entre le creusement (1) et la dernière occupation (IV) (d'après S. Gady, 1989 a). 1 : espace réservé. 2 : espace d'accumulation. 3 Aires de stationnement. 4 : Aire de circulation. 5 : Accès utilisé.

 

La fouille récente du souterrain du Trou-aux-Fées (Gady, 1990 a) a également livré des témoins d'une occupation sous la forme de deux sols terreux et altéritiques indurés, recouverts de particules fines de restes vé gétaux découverts dans la plus grande salle de ce réseau. L'origine de ces couches reste hypothétique, elles présentent toutefois des similitudes avec les sols mis au jour dans le proche souterrain du Bois-du-Mont.

 

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Figure 8 : Chadalais (Haute-Vienne). Stratigraphie transversale de l'une des salles de la cavité (salle G). L'occupation est marquée par trois couches (641, 643 et 646) séparées par des lits d'altérite (597, 642, 645). 596 est un remblai de terre argileuse qui marque l'ennoiement de la cavité et son abandon. 595 témoigne de l'effondrement massif de la voûte de la salle. La séquence 594-593-592-634 représente le comblement de la cavité créée en surface par l'effondrement de la voûte de la salle.

 

La présentation partielle des résultats obtenus sur ces quatre sites montre, à des degrés divers, l'existence de traces directement associables à des occupations à l'intérieur même des cavités. Il reste cependant délicat d'identifier ces témoins en terme de fonction, le manque de fouilles de référence engage à la plus grande prudence et justifie l'emploi de termes volontairement peu interprétatifs : couches de stationnement, circulation, zones réservées, espaces d'accumulation... Tout au plus faut-il voir dans les exemples précédents des constats positifs d'occupations alliant des séjours humains et l'utilisation de certaines structures comme lieu de remise ou de stockage. L'ampleur et la durée des séjours dans les souterrains restent à évaluer. Dans presque tous les cas la puissance des couches que l'on interprète comme des niveaux d'occupation demeure peu importante et les vestiges mobiliers que l'on peut y découvrir sont relativement peu abondants.

Même s'il faut tenir compte des nettoyages des sols internes, comme le prouve la fouille de Chadalais où l'on a pu démontrer la connexion entre les fragments de céramiques de petite taille découverts près du foyer et les pièces plus importantes rejetées à l'extérieur de la cavité dans un silo réemployé comme dépotoir, les informations recueillies jusqu'ici laissent supposer des séjours de durée limitée, en tous cas ne suggèrent pas une occupation humaine permanente. Dans deux cas au moins, Bois-du-Mont et Chadalais, les couches associées à l'occupation interne des cavités sont séparées par des lits altéritiques marquant l'arrêt momentané des séjours; la fréquence de l'utilisation des cavités est donc difficile à établir, une occupation de type saisonnier n'est pas à exclure, au moins à titre d'hypothèse.

En ce qui concerne les possibilités de stockage en milieu souterrain il convient de mentionner la présence de fosses piriformes que l'on identifie comme étant des structures de stockage de denrées agricoles. Ce type d'a ménagement, assez fréquent dans la partie méridionale de la région étudiée

(Départements de la Corrèze et de la Dordogne : Avrilleau 1975) semble plus rare dans la partie septentrionale du Limousin où, cependant, une découverte ancienne fait état de « cryptes d'alimentation » dans un souterrain de la commune de Cieux (Haute-Vienne) où l'on aurait observé « quantité de grains de blé, seigle et avoine, etc., adhérant encore aux parois » (Bertrand, 1906).

Si l'on constate, comme le montrent les exemples précédents, des arguments en faveur d'une, voire de plusieurs occupations dans certains souterrains, il importe de ne pas généraliser ces témoignages. Dans quelques cas les fouilles montrent une absence de couches attestant une occupation. Les raisons d'une telle absence doivent être recherchées avec la même attention que les traces positives d'utilisation des cavités. Le souterrain de Jeux en Creuse est l'exemple d'un souterrain qui ne semble pas avoir été occupé : la fouille révèle, certes, quelques vestiges mobiliers dans les comblements mais la stratigraphie précise leur position et ne permet pas de les rattacher à un niveau de circulation ou de stationnement mais plutôt à des terres d'infiltration provenant de la surface (Groupe Archéologique, 1977). L'analyse des documents stratigraphiques et architecturaux effectuée par les auteurs de la fouille apporte des informations en mesure d'expliquer cette non-occupation : l'interruption du creusement d'une galerie peut être mise en relation avec l'ennoiement de la cavité comme en témoignent les couches d'argile découvertes à l'intérieur de la cavité mais aussi l'expérience vécue des fouilleurs. Ces observations sont importantes, en effet la présence de lits argileux a pu être constatée de nombreuses fois dans les cavités, même non fouillées. Si elles peuvent résulter de l'infiltration d'eau de pluie provenant de la surface c'est seulement en partie : les marques parfois visibles sur les parois de certaines cavités révèlent des durées d'ennoiement relativement longues et un volume d'eau important qu'il serait possible d'expliquer par la montée de nappes phréatiques. Dans cette hypothèse, l'occupation, voire même l'élaboration, auraient été interrompues par l'ennoiement du souterrain difficilement prévisible dans les régions à substrat cristallin ou métamorphique.

Si l'on peut retenir cette explication, au moins dans certains cas, on peut, dans d'autres, en avancer une autre : celle de la sécurité. Le site de Pierre-Blanche (Haute-Vienne) en est un bon exemple. Les sondages effectués dans plusieurs secteurs de la cavité révèlent l'absence d'une occupation de longue durée après le creusement du réseau. Abandon provoqué par l'effondrement total d'une partie de la cavité peu de temps après la phase d'élaboration. La cause est ici à rechercher dans le contexte géologique local constitué par un gneiss altéré et fortement diaclasé. La réalisation d'une cavité dans un tel matériau ne pouvait présenter qu'un grand risque d'effondrement que les concepteurs ont d'ailleurs vainement essayé de réduire en effectuant le creusement à une profondeur supérieure à celle que l'on peut constater pour les autres souterrains de la région.

Ainsi, la non-occupation établie d'édifices souterrains peut s'expliquer, au moins dans certains cas, par des raisons très concrètes. Il appartient aux recherches futures de mesurer leur part d'exemplarité dans l'interprétation de ce phénomène.

 

Le dessus et le dessous

Nous l'évoquions en introduction, le lieu de découverte des souterrains a toujours représenté l'une des principales sources d'interrogation dans la recherche de l'origine et de la destination des cavités. Si nous laissons mo mentanément de côté les cas de réseaux artificiels repérés sous ou à proximité immédiate d'édifices religieux, d'ouvrages fortifiés de terre ou de pierres ou sous les villages, les découvertes hors de tout contexte « bâti » forment presque les deux-tiers de l'ensemble des cavités recensées.

Ce constat d'isolement à l'écart de toute forme d'habitat a été presque systématiquement interprété en termes de dissimulation volontaire des souterrains. Les deux théories explicatives majeures : celle du souterrain-refuge ou celle de l'hypogée cultuelle-funéraire pouvant d'ailleurs revendiquer aussi bien l'une que l'autre l'argument de la dissimulation comme justification principale de leur interprétation : pour les uns, le rôle de cache protectrice dévolue aux souterrains imposait leur implantation à l'écart des lieux habités, pour les autres leur fonction rituelle ou funéraire non-orthodoxe nécessitait de fait un éloignement des centres d'habitat. De telles prises de position s'expliquent aisément par un intérêt essentiellement porté à la cavité elle-même.

Les recherches actuelles montrent que cet isolement n'est qu'apparent les fouilles menées de façon conjointe sur les réseaux enterrés et les surfaces situées à l'aplomb des cavités révèlent, bien au contraire, l'existence de structures archéologiques diversifiées qui permettent aujourd'hui de replacer les interrogations sur les souterrains dans une perspective archéologique et historique beaucoup plus large.

Quelques travaux anciens avaient déjà livré des indices de cette coexistence en un même lieu de vestiges « aériens » et de vestiges souterrains sur le site de Langlard en Creuse, P. de Cessac reconnaisait, dès 1872, un souterrain à plan annulaire accompagné de 7 fosses ovoïdes près de l'accès à la cavité (De Cessac, 1872).

En Périgord, a peu près à la même époque, la découverte du cluseau de Borie-Belet mettait elle aussi en évidence la présence de plusieurs structures de surface : fosses ovoïdes et cylindriques de diverses tailles à proxi mité de l'accès du souterrain (de Fayolle, 1878). Plus récemment, en 1952, le dégagement du souterrain de Lavaupot (Haute-Vienne) révélait 6 fosses disposées près de l'accès ou à l'aplomb de la cavité (Martignon, 1952). En Corrèze, sur le site de Lagorce, les vestiges repérés au contact de la galerie d'accès d'un souterrain de type annulaire seront quelque peu différents : la présence de fosses ovoïdes est également attestée mais celles-ci s'inscriront à l'intérieur d'une pièce partiellement limitée par des murs appareillés, possédant en son centre un foyer construit de forme pentagonal (Vazeilles 1956) (Fig. 9). Les questions que pouvaient soulever de telles découvertes restèrent malheureusement peu discutées par la suite : l'archéologie « chthonienne » appliqua les mêmes postulats théoriques aux souterrains qu'aux vestiges de surface en les interprétant comme des réceptacles à offrandes (Broëns 1976). Il faudra attendre le développement de recherches guidées par des motivations différentes pour que soient étudiés sous un autre angle de vue les rapports entre vestiges de surface et souterrains.

Un décapage de 200 m2 effectué autour des accès du cluseau de Beaulieu révèlera un ensemble complexe de vestiges de surface : fosses ovoïdes ou cylindriques, structures excavées quadrangulaires ou ovales équipées de trous de poteaux internes. Malgré les perturbations occasionnées par la surimposition d'un habitat et de ses annexes à la période moderne le gisement de surface et le mobilier qui lui est associé seront interprétés en terme d'habitat médiéval. La cavité représentant alors une extension souterraine de l'habitat de surface (Conte et Gauthier, 1985) (Fig. 10). Sur ce site apparaît pour l'une des premières fois, l'association de fosses à plan circulaire et de structures de plus grande dimension, moins profondément excavées correspondant vraisemblablement à des substructions de bâtiment à charpente de bois.

De nouvelles fouilles ont, dès lors, conformé cette relation « surfacesouterrain » en un même lieu : sur le site du Trou-aux-Fées c'est un ensemble d'au moins douze silos, de vestiges de solins de pierre et de trous de poteaux qui a été mis au jour autour de l'un des accès de la cavité.

 

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Figure 10 : Lagorse (Tarnac, Corrèze). Le souterrain, de type annulaire est associé à une pièce carrée à murs parementés d'environ 5 x m. (a) Plusieurs des fosses sont interprétées comme silos (c et fosses situées au Nord du foyer b). Les trois fosses alignées sur le mur sud-ouest pourraient correspondre à des logements de poteaux (d). b : foyer pentagonal construit. e : élargissements de la galerie principale. f : niches. g : renfoncement de la galerie annulaire. h : conduit vertical d'aération. (d'après M. Vazeilles, 1956)

 

 

L'étude des témoins de surface permet ici de distinguer deux états successifs d'occupation : le plus ancien est formé par les silos et certaines constructions associées en différentes séquences chronologiques.

Le plus récent comprendrait de nouvelles constructions de surface et le souterrain. A ce dernier stade les silos seraient déjà abandonnés. L'ensemble témoignerait donc d'une évolution de la forme de l'habitat sur une courte période chronologique comprise entre le Xe et le XlIe siècle (Gady, 1990 a).

La récente fouille menée en Montagne Limousine sur le site des Pradeaux (Corrèze) révèle, quant à elle, un habitat du même type que celui précédemment évoqué sur le site de Lagorce associant : fosses, silos, sou terrain annulaire et bâtiment à murs maçonnés. Un état de conservation exceptionnel pour cette catégorie de vestiges a permis d'identifier quatre états chronologiques et typologiques différents : dans un premier temps, un groupe de 7 silos accompagne un premier bâtiment sur poteaux. Une maison rectangulaire à murs de pierres construite au même endroit marque le 2e état, une galerie souterraine annulaire, dont l'entrée est intégrée au bâtiment de surface et un silo complètent cet état. La phase suivante est marquée par plusieurs remaniements : un escalier d'accès au souterrain est aménagé à l'extérieur du bâtiment, en même temps une nouvelle aire d'ensilage formée de 6 fosses est créée.

Dans la dernière phase mise en évidence sur ce site, le souterrain est abandonné, son accès est condamné. En revanche deux pièces sont adjointes au bâtiment et trois nouveaux silos sont creusés, l'une des extensions du bâtiment est interprétée comme grenier à céréales comme en témoigne la découverte de macro-restes végétaux de froment et d'épeautre barbu (Colombain et Lombart, 1990). Deux datations C14 effectuées sur des échantillons retirés des silos des deux périodes intermédiaires situeraient entre le début du XIe siècle et le courant du mie siècle la chronologie de ces phases. L'abandon définitif du site paraît acquis, d'après les auteurs de la fouille, avant le début du XIIIe siècle.

Le site de Chadalais, en limite des départements de la Haute-Vienne et de la Dordogne, témoigne également de la présence en un même lieu d'une cavité et de vestiges de surface : les sondages réalisés autour de l'ac cès au souterrain révèlent la présence de huit fosses organisées en deux batteries de 3 à 4 silos et une fosse isolée, de nombreux logements de poteaux et d'une tranchée rectiligne. L'occupation du site apparaît discontinue la datation C14 d'un reste de stock de céréales situe entre le XIe et le XIIIe siècles (et probablement autour du XlIe siècle) l'utilisation de l'un des silos, l'ultime phase d'occupation du site concernera la cavité encore utilisée au XVe siècle voire au XVIe siècle (Conte 1990, Conte et al. 1991) (Fig. 11).

Toutes ces recherches, très récentes pour la plupart et encore trop peu nombreuses, démontrent que bien souvent le souterrain et les fosses repérées en surface appartiennent à des ensembles cohérents de vestiges d'habitats médiévaux désertés. Une attention plus minutieuse portée à la surface des cavités, des techniques de fouille et une problématique adaptées à ce type d'implantation humaine remettent sérieusement en question l'idée d'un creusement des souterrains motivé par des préoccupations rituelles ou funéraires.

Quant à la notion de refuge discret elle doit être réenvisagée, au moins partiellement, par la présence de bâtiments hors-sol tels que nous les restituent les exemples précédents.

Fosses. Silos et conservation des denrées agricoles

Les recherches actuelles nous amènent donc à réviser, entre autres, les conceptions admises jusqu'ici sur la finalité des fosses qui accompagnent en un même lieu les souterrains. Mais leur apport essentiel est surtout de préciser le rôle dévolu à ces structures excavées dans le cadre de sites d'habitat médiéval auxquelles elles apparaissent désormais associées.

L'analyse des documents de fouille permet de différencier les types de structures découvertes. Dans cette recherche, c'est principalement la morphologie des vestiges qui guide le chercheur : si l'on exclut les excavations de petite taille qui correspondent, pour la plupart d'entre elles à des fosses d'implantation de poteaux en bois de constructions en élévation, l'essentiel des structures mises au jour correspond à des fosses ovoïdes ou piriformes dont la profondeur maximale peut atteindre 1,80 m et la largeur dépasser parfois 1,50 m. Les variations des profils supérieurs que l'on peut souvent constater s'expliquent par l'action des phénomènes d'érosion du substrat qui affectent préférentiellement les parties en surplomb des fosses au contact du goulot d'accès et provoque leur effondrement. Dans quelques cas, les labours effectués après la remise en culture des sites abandonnés tronquent les parties sommitales de ces fosses et leur confèrent un profil largement évasé.

 

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Figure 11 : Plan partiel des structures de surface découvertes autour de l'accès permanent du souterrain de Chadalais (C). En noir : logements d'éléments en bois. 653, 658, 730, 675, 655, 662, 670 : silos. 627 : tranchée. Zone tramée : vestiges de sol d'occupation. La structure E représente une petite salle souterraine équipée de banquettes dont la voûte s'est effondrée au cours de l'occupation; le secteur a été réorganisé en liaison avec la surface. Les nombreuses petites excavations réalisées sur le pourtour de l'effondrement correspondent à cette phase de réaménagement (plancher, toiture ?).

 

 

L'étude des comblements internes témoigne de ces « accidents » après abandon et il n'est pas rare de découvrir des lits de sable altéritique au sein des stratigraphies; mais l'étude stratigraphique nous renseigne surtout sur d'autres événements liés à l'abandon des structures : comblements massifs destinés à l'occlusion rapide des cavités, ou, au contraire, stratification lente témoin d'une réutilisation de l'excavation comme dépotoir, c'est dans de tels contextes que l'on peut trouver un mobilier archéologique varié correspondant au rejet de déchets d'origine domestique : fragments de céramique, vestiges osseux, restes organiques... Le silo 670 de Chadalais représente un de ces exemples : la couche supérieure du comblement se révèle être un dépotoir résultant des vidanges successives du foyer repéré dans le souterrain.

Si les stratigraphies nous renseignent, parfois de façon relativement précise, sur les fonctions secondaires des fosses en apportant en particulier de précieux indices chronologiques sur les phases d'occupation d'un même site, elles nous renseignent plus rarement sur leur fonction initiale. Le plus souvent, il faut le souligner, la fonction primaire de ces cavités est envisagée par la corrélation formelle établie entre les structures découvertes par l'archéologie et celles connues par l'ethnographie et quelques sources textuelles qui permettent d'attester une destination originelle de silo de conservation de denrées agricoles (Sigaut, 1978; Gast et Sigaut, dir, 1979, 1981).

Exceptionnellement, la découverte de graines en situation primaire dans une fosse, permettant de confirmer une fonction d'ensilage de céréales, est archéologiquement attestée. C'est le cas à Chadalais où la fouille a pu mettre en évidence une couche de semences carbonisées à la base d'un silo (Conte, 1990, Conte et al., 1991) (Fig. 12).

L'analyse carpologique de ce dépôt de graines confirme l'utilisation du silo à des fins de stockage de produits céréaliers et identifie un ensilage de seigle, blé tendre-hérisson, avoine, millet, orge et engrain ou amidonnier, qu'une datation C-14 situe entre le début du XIe siècle et le début du XIIIe siècle. La même étude permet en outre de préciser la part respective de chaque espèce et apporte des informations sur le type d'ensilage réalisé, qui, en l'occurrence, correspondrait à un stock de fourrage destiné à l'alimentation animale (Ruas, 1990).

 

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Figure 12 : Base du silo 670 de Chadalais (Haute-Vienne) à gauche : niveau de paléosemences carbonisées, reste du stock ensilé. Sur la droite : niveau d'argile blanche sous forme de mottes pouvant correspondre au mode d'obturation originel du silo. (mire à 0,3 m; photo : P. Conte).

 

Ces données, tout en confirmant la validité d'une interprétation générale des structures de type fosses comme structures de réserves de produits agricoles, encouragent à ne pas systématiquement attribuer aux silos une fonction de conservation de céréales destinées uniquement à la consommation humaine.

D'autres denrées agricoles comme les racines, les tubercules ou des fruits comme les châtaignes par exemple ont pu être ensilées dans des structures de ce type. La découverte dans un silo à proximité du souterrain de Lavaupot de « châtaignes presque fossilisées et de grains... qui auraient pu être du millet » (Martignon, 1952), bien qu'insuffisamment documentée et relativement ancienne, nous invite également à la prudence dans l'interprétation des structures.

Par ailleurs, le stockage en silo souterrain n'a pas été le seul mode de conservation des produits céréaliers : l'exemple précédemment évoqué du site des Pradeaux où l'une des pièces accolée au bâtiment est interprétée comme grenier, alors que le site n'est pas démuni, loin s'en faut, de silos excavés en est un exemple qu'il convient peut-être de mettre en relation avec les informations que nous procure un texte contemporain (XIIesiècle) et concernant la même zone géographique où semblent apparaître plusieurs modes de stockage : greniers au-dessus du sol (« Cellaria ») ou souterrains parmi lesquels il est possible de distinguer des silos et des « galeries allongées » (« cuniculi ») dont on peut se demander si elles n'ont pas une quelconque parenté avec les souterrains (Fournier, 1982)6.

D'autres informations, archéologiques cette fois, témoignent de la variété des structures découvertes sur les sites caractérisés par les silos et les souterrains : des fosses à plan proche du carré comme à Chadalais ou cir culaire (Beaulieu) à parois verticales équipées d'alvéoles doivent-elles être interprétées en termes de structures de stockage ou plus prudemment en termes de structures annexes dont la vocation, agricole, domestique ou artisanale reste encore largement incertaine ?

L'identification des nombreuses structures excavées découvertes à proximité immédiate des souterrains doit donc être considérée avec prudence. Seules des fouilles plus nombreuses, plus étendues en surface et l'ap port d'analyses paléobotaniques permettront une meilleure caractérisation des vestiges de surface et, par voie de conséquence, une définition plus précise des types de sites agricoles mis au jour et une meilleure connaissance de leur environnement.

 

Souterrains, églises et châteaux

Les découvertes en un même lieu de souterrains et de fortifications ou d'églises médiévales représentent deux autres formes d'associations avec des structures archéologiques de surface.

Deux études cartographiques conduites, l'une dans le nord du Limousin, l'autre à la limite de ce département et du Périgord livrent un très faible nombre de relations entre cavités, églises ou châteaux. Ce constat établi pour deux micro-régions non jointives peut-être considéré comme représentatif d'une tendance commune à l'ensemble de la partie septentrionale de la région étudiée.

Si l'on considère la relation à des ensembles fortifiés, les deux secteurs ne révèlent qu'exceptionnellement des sites où une cavité paraît s'intégrer chronologiquement et fonctionnellement à un système fortifié 7, contraire ment à la région voisine de Poitou-Charentes où une étude récente indique un nombre un peu plus élevé d'associations chronologiques entre systèmes fortifiés et souterrains, attribuant à ces derniers un rôle à la fois d'habitat, de stockage et de défense (Piboule, 1990).

Une enquête comparable, utilisant données archéologiques et sources manuscrites, devrait pouvoir être menée avec profit en Périgord où l'association cavités-châteaux semble un peu plus fréquente qu'en Limousin (Pros pection sur l'arrondissement de Bergerac, Avrilleau 1975). Toutefois il conviendrait préalablement de distinguer, dans cette région à substrat sédimentaire, la part respective des souterrains artificiels, des cavités naturelles aménagées et des troglodytes de falaises, structures proches mais dont les fonctions ont pu être fort différentes.

La coïncidence entre souterrains et édifices religieux reste, elle aussi, peu fréquente et mal documentée. Il est donc délicat de préciser aujourd'hui le type de relations chronologiques qui unissent ces deux catégories de monuments.

Toutefois, une récente opération de sauvetage urgent menée dans le bourg limousin de Compreignac nous livre quelques informations concrètes sur un cas de conjonction topographique entre cavités et édifices religieux : ici une fouille limitée au périmètre extérieur de la nef de l'église paroissiale a révélé la présence d'au moins 16 silos et un réseau souterrain formé de plusieurs salles reliées par des galeries ou d'étroits passages. La chronologie relative des vestiges archéologiques peut en partie, être précisée. La voûte d'une galerie formant l'accès principal à la cavité a été crevée lors de l'édification de l'église afin d'asseoir les fondations des murs de la nef sur un sol stable. Le même constat a pu être établi pour les silos fossilisés par les murs de l'édifice de surface : plusieurs d'entre eux ont été intégralement comblés de pierres au moment de la construction de l'église. L'antériorité des structures excavées parait donc acquise, une datation C14 effectuée sur des bois recueillis dans le comblement de l'un des silos le confirme en proposant une fourchette chronologique comprise entre 870 et 1 155 compatible avec la période d'édification de l'église que l'on site au plus tôt dans la 2e moitié du XIIe siècle (Conte et Lintz, 1991) (Fig. 13 et 14).

Le site de Compreignac n'a certes pas valeur d'exemple vu son caractère encore exceptionnel, il montre cependant qu'une fouille, même partielle, permet de préciser les relations chronologiques entre les édifices de surface et souterrains en remettant en question l'idée d'une conception commune entre ces deux types de monuments 8. Mais, au-delà de cet apport, l'étude du site de Compreignac révèle, une fois de plus, l'association en un même lieu d'une cavité aménagée en réseau et de silos de conservation en l'inscrivant, cette fois-ci, non pas dans le contexte d'un habitat médiéval de peu d'ampleur mais dans le cadre de l'évolution d'un village paroissial où l'on assiste, entre le IXe et le XIIe siècle, à la transformation d'une aire dévolue à un usage civil en un espace réservé à l'édification de l'église paroissiale.

Une synthèse de ces recherches paraît, à l'heure actuelle, bien prématurée. La plupart des opérations présentées sont très récentes, peu ont fait l'objet de publications intégrales et pour certaines des analyses de laboratoire sont en cours, leur confrontation avec les données archéologiques s'impose donc. De plus, nous l'avons plusieurs fois évoqué, la rareté des fouilles de sites à souterrains et structures de surface est telle que l'absence de séries documentaires de référence oblige à considérer les interprétations proposées comme relevant encore du domaine des hypothèses de recherche.

 

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Figure 13 : Compreignac (Haute-Vienne). Batterie de 6 silos découverts devant le porche de l'église paroissiale. Le silo de droite est fossilisé par la base du porche. S : silos. P. porche. (mire de 0,5 m) (photo : P. Conte).

 

Malgré tout, des acquis se dessinent, il convient de les souligner : la connaissance des modes de creusement des souterrains peut être considérée, sinon comme étant totalement assurée, en tous cas comme désormais connue dans ses grandes lignes. Les variantes géographiques ou chronologiques du modèle proposé représentent l'une des directions des recherches futures.

Les chronologies relatives permettent aujourd'hui de définir l'histoire de chaque site en spécifiant la part relative des phases de creusement, d'occupation et d'abandon. Elles réfutent l'idée fréquemment admise d'absence de comblement archéologique en place dans les cavités.

Des occupations dans les cavités sont parfois attestées, les analyses structurales, les analyses de répartition des couches et de leur mobilier apportent des indications de plus en plus nombreuses sur les modes d'organisation interne des cavités, sans toutefois permettre encore de les définir en termes fonctionnels stricts; objectif qui devrait être atteint dès que des séries stratigraphiques et des études de répartition « ethnographiques » seront plus nombreuses.

 

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Mais, si la connaissance des souterrains progresse c'est surtout le contexte immédiat des cavités qui se révèle grâce aux découvertes de structures en surface, peut être le plus inattendu et le plus riche en enseignements. En décrivant la présence fréquente de constructions susjacentes sur poteau ou en maçonnerie, de diverses structures excavées (fosses et silos de conservation de denrées agricoles), les études actuelles tendent à inscrire le souterrain dans la perspective d'une recherche sur l'évolution des structures d'habitat et d'exploitation rurale au Moyen Age. Ainsi, sans reléguer à un second plan l'intérêt que représente le souterrain, la compréhension des configurations archéologiques mises au jour devra s'appuyer en priorité sur l'analyse des sites dans leur totalité et non plus centrer son intérêt sur les cavités elles-seules. On peut d'ailleurs penser que les problèmes de destination et de fonction des souterrains seront probablement expliqués autant par l'analyse des contextes que par l'analyse des cavités. Les souterrains devenant, dans cette perspective, de précieux et nombreux témoins de sites d'habitat désertés.

La chronologie des sites à souterrains devient, elle aussi, mieux connue grâce aux datations « objectives » et à l'étude des mobiliers archéologiques qui s'accordent à situer dans la « longue durée médiévale » les vestiges qui ont fait l'objet de fouilles. Toutefois ces datations révèlent en même temps des différences chronologiques notables : la plus ancienne datation obtenue sur le site du Bois-du-Mont situe le premier niveau d'occupation du souterrain autour des IXe-Xe siècle (Gady, 1989 a), d'autres font état de créations et d'occupations entre le Xe et le XIIIe siècles et les plus récentes orientent l'abandon des cavités et des sites auxquelles elles appartiennent à la fin du Moyen Age ou au début de l'époque Moderne.

Les raisons d'une telle diversité chronologique représentent l'une des questions essentielles des recherches en cours : assiste-t-on à la propagation d'un mode d'habitat au cours du Moyen Age à partir d'un « foyer géogra phique ancien » ou bien la variété des datations que l'on peut constater traduit-elle une modification de la fonction des édifices et de leur contexte au cours du Moyen Age ?

Cette interrogation revient à poser le problème de la chronologie d'apparition du phénomène des sites à souterrains et silos.

Les données qui peuvent contribuer à résoudre cette question sont encore peu nombreuses, le constat d'une évolution architecturale établie sur certains sites est peut-être un début de réponse à ce problème : en effet, dans plusieurs cas les chronologies relatives suggèrent une succession dans le mode d'occupation de sites où l'on voit le passage d'unités composées de bâtiments de surface et de silos à des unités où les silos seraient abandonnés alors qu'apparaissent les souterrains. Quelques découvertes mobiliaires : meules cassées et abandonnées dans le comblement des silos ou parfois intactes mais réemployées dans les accès de creusement des souterrains représentent des indices supplémentaires d'une évolution des sites à silos et souterrains.

Ce schéma d'évolution, élaboré pour la partie septentrionale du Limousin (Gady, 1989 a et b) traduirait l'abandon, vers le xe-XIe siècle d'un type d'habitat individuel (manse ?) à vocation agricole céréalière qui pren drait son origine vers le IXe siècle. Les causes de cette modification restent hypothétiques. Le passage de sites de type habitat-silo à des sites habitatsouterrain pouvant s'expliquer par la modification du contexte socio-économique des Xe et XIe siècles marqué par un contrôle plus autoritaire des productions agricoles de la part des puissances seigneuriales, laïques ou ecclésiastiques.

Les recherches menées hors de la zone pour laquelle cette proposition a été avancée apportent des éléments ponctuels en cohérence avec ce schéma sur au moins un point : celui de la fréquente fossilisation des silos au mo ment de la réalisation des souterrains. Pour le reste, et sans infirmer la validité partielle du modèle proposé, de nombreuses données laissent entrevoir des réalités différentes et encouragent à considérer cette proposition comme une hypothèse qui reste à confirmer : les datations, nous l'avons vu, livrent des dates de créations plus récentes postérieures à la période Xe-XIe siècle. Par ailleurs, si l'antériorité des silos a pu être effectivement constatée la persistance de cette forme de stockage parallèlement au fonctionnement des souterrains nous est attestée par la présence de ces structures à l'intérieur même des cavités, parfois même en surface au cours de la même phase d'occupation.

Enfin, il semble prématuré d'opérer une définition systématique des sites en termes d'habitat permanent. En effet, on peut se demander si les ensembles archéologiques étudiés jusqu'ici correspondent toujours à des ha bitats ruraux complets, c'est-à-dire à des unités comprenant un, voire plusieurs bâtiments résidentiels et les structures annexes indispensables à l'exploitation agricole d'un terroir par un groupe humain, même restreint.

La découverte exceptionnelle de foyers domestiques, la richesse toute relative des dépotoirs culinaires et le peu d'ampleur des traces d'occupation souterraines sont autant d'indices qui évoquent des types d'établissements dont le caratère d'habitat permanent ne paraît pas régulièrement acquis, l'hypothèse de sites d'habitats utilisés temporairement, voire d'infrastructures d'exploitation agricole sans habitat résidentiel pourrait alors être retenue dans certains cas.

S'il convient donc de nuancer une vision trop stricte de la chronologie d'apparition des sites à silos et souterrains en Limousin-Périgord, leur rôle dans la formation des habitats et des terroirs médiévaux apparaît de plus en plus probable. Si certains d'entre eux peuvent être rattachés aux phases les plus anciennes d'un habitat qui n'est pas encore fixé, soit en gros avant l'An Mil, puis à la période de mise en place des structures d'encadrement des hommes et des terroirs, d'autres enfin peuvent correspondre, surtout dans des régions où l'habitat est traditionnellement dispersé, à la persistance d'ensembles agricoles isolés, utilisés au cours de la conquête de nouveaux terroirs gagnés sur la forêt jusqu'à la fin du XIIIe siècle, voire au-delà. De telles hypothèses qui restent bien sûr à valider, pourraient expliquer la situation actuelle des cavités parfois abandonnées dès le Moyen Age ou alors, au contraire intégrées dans le cadre de sites où l'occupation s'est poursuivie jusqu'à nos jours : hameaux ou villages paroissiaux.

Créations, désertions des sites à silos et souterrains s'inscrivent en tous cas dans le cadre général des mouvements de peuplement qui ont façonné l'histoire du monde rural en Limousin et Périgord au cours du Moyen Age.

Au terme de ce rapide exposé les questions restent, on le voit, encore très nombreuses. Au nombre de celles-ci, figure, bien sûr, la destination précise des souterrains mais aussi, et peut être surtout, la fonction des sites dans leur ensemble et leur place dans l'évolution de l'habitat médiéval. On peut toutefois espérer que les recherches en cours, pour peu qu'on leur donne les moyens nécessaires, pourront apporter des éléments de réponse sur l'origine et les raisons d'être de ces nombreux monuments souterrains trop souvent considérés, pensons-nous, comme de simples sujets de curiosité.


Notes

* Archea, 5 rue Neuve Saint-Etienne, 87000 Limoges.

1. Dénomination dont l'origine est probablement le mot latin « clusellum » employé dans plusieurs textes médiévaux. Voir : J. Duvernoy, 1964.

2. Les structures dont il sera question correspondent aux cavités dont le creusement est amorcé au niveau du sol, ainsi, les monuments s'ouvrant à flanc de falaise, fréquents en Périgord, ne seront pas abordés dans notre propos. Sur cette catégorie de vestiges troglodytiques voir : N. Aujoulat, 1990.

3 et 4. Pour une lecture critique des interprétations des textes antiques et des sources médiévales voir : Mauny et Cordier, 1967 : Famin ; 1978; Conte, 1991.

4. voir note 3.

5. Précisons que des enquêtes comparables sont menées dans plusieurs autres régions en Poitou-Charente : Piboule, 1971 et 1990; en Auvergne : B. et J.M. Sauget, 1984; J.P. et A. Usse, 1988.

 6. Le texte dont il s'agit est extrait de la Vie de Saint-Etienne d'Obazine écrite vers 1166-1180. (M. Aubrun, 1970, Vie de Saint-Etienne d'Obazine, Clermont, Publications de l'Institut d'Etudes du Massif-Central, p. 134-135; cité par G. Fournier, 1982). G. Fournier précise : « Dans cette région méridionale du Limousin (Corrèze), en période de famine, pour éviter la spéculation et la hausse des prix, le saint organisait la visite des greniers et des réserves secrètes : les frères faisaient extraire les grains anciens des fosses et des boyaux creusés dans la terre où ils étaient conservés ». «Cunctorum cellaria et occulta repostoria scrutabantur et veteres annonae e fossis abditisque terre cuniculis proferebantur ».

 7. Pour le bassin de la Gartempe (Nord de la Haute-Vienne et département de la Creuse) : 15 % des souterrains sont creusés à moins de 300 m d'un système médiéval de défense, 14 % à moins de 300 m d'églises paroissiales ou de chapelles rurales (Gady, 1989 a). Pour le Sud de la Haute-Vienne et le Nord du Périgord on obtient : env. 9 % des cavités creusées à moins de 150 m d'un château ou fortification de terre et env. 12 % à moins de 100 m d'un édifice religieux (dans chaque cas la relation directe à l'édifice de surface ne représente que 3 % de l'effectif total) (Conte, 1991). Pour le Bergeracois : 10 % des souterrains en rapport avec les châteaux, 9 % en relation avec un lieu de culte (Avrilleau, 1975).

8. L'étude de l'architecture et des comblements de la cavité permet justement de distinguer l'une des parties du réseau souterrain qui a été creusée ou réaménagée à une époque plus récente que le reste de la cavité, soit lors de la période de construction de l'église du XlIe siècle soit, plus certainement lors de sa fortification après sa destruction partielle en 1370-1371, lors des guerres Franco-Anglaises.